Aux origines du lac : un réservoir devenu paysage

Impossible d’imaginer aujourd’hui le pays d’Auge sans les reflets du Lac de Pont l’Évêque. Pourtant, ce plan d’eau large de plus de 60 hectares est une création récente de l’histoire normande. En 1973, pour répondre aux besoins grandissants d’alimentation en eau potable et de régulation des crues de la Touques, une décision est prise : la construction d’un barrage au lieu-dit La Croix Brisée. Le projet façonne alors un large bassin au sud-ouest de Pont-l’Évêque, sur des terres jadis maraîchères et bocagères (Mairie de Pont-l’Évêque).

Le lac connaît un aménagement « fonctionnel » durant ses premières années : la priorité est donnée à la retenue d’eau, à la protection des populations aval du cours d’eau, notamment à Pont-l’Évêque, qui a déjà connu plusieurs crues majeures. Ce n’est qu’au début des années 1980 que l’idée d’exploiter le potentiel récréatif du site s’impose. Les premières plages artificielles voient alors le jour, et très vite, la nature reprend ses droits, habillant de verdure les abords jusque-là très techniques.

Les premières années de loisirs : des promesses à tenir

Le virage vers les loisirs ne s’est pas opéré sans débat. L’utilisation d’une retenue d’eau destinée à l’alimentation et à la sécurité pour accueillir des baigneurs puis des bateaux de location interroge les riverains, parfois réticents à voir grandir l’affluence.

  • Une plage officielle est ouverte en 1987 ;
  • Suivent la mise en place d’une zone de baignade surveillée, puis la fameuse base de loisirs « Pont-l’Évêque Aventures », aujourd’hui rebaptisée « Lac Terre d’Auge » ;
  • Dès 1990, la Fédération de Pêche du Calvados y installe un parcours ;
  • L’essor de la planche à voile (plus de 200 pratiquants occasionnels annuels dans les années 1990) attire clubs et compétitions régionales (La Dépêche de Pont-l’Évêque).

Le site trouvera rapidement sa réputation de « lac familial » où s’entremêlent pagaies, jeux d’enfants, pêcheurs assidus et pique-niques estivaux.

Une offre touristique qui s’élargit : de la petite base à la station verte

Année après année, l’identification du lac comme pôle d’attractivité dépasse le simple cadre local. L’inscription de Pont-l’Évêque au label « Station Verte » en 2002 confère au site une visibilité nouvelle, avec, à la clé, un engagement à étoffer les équipements et protections environnementales (Station Verte).

L’infrastructure et les services s’adaptent à une demande croissante, et l’on voit apparaître :

  • Un espace d’accrobranche et tyroliens en bordure du plan d’eau ;
  • Une base nautique repensée (canoë, kayak, stand-up paddle, pédalo) ;
  • Une guinguette, puis divers points de restauration estivaux ;
  • Une zone de pêche « familiale » et des animations encadrées par la Fédération de pêche, notamment des initiations pour scolaires et touristes ;
  • Des sentiers de randonnée balisés (Variante traditionnelle du GR de Pays Tour de la Côte Fleurie, boucle de 11 à 16 km autour du lac) ;
  • Un camping 3 étoiles, ouvert en 2011, porté par la volonté de séduire une clientèle touristique d’avril à septembre.

Deux chiffres éclairants : le nombre de visiteurs recensés sur la saison estivale au lac passe d’environ 20 000 en 1998 à près de 45 000 vingt ans plus tard, avec une part croissante de touristes hors Calvados (source : Office de Tourisme de Pont-l’Évêque, rapport 2019).

Valorisation du patrimoine naturel et culturel autour du lac

En parallèle du développement touristique, une attention particulière est portée à deux atouts majeurs : la biodiversité et l’histoire locale.

Biodiversité : une richesse à préserver

Installé sur un couloir humide, le lac devient une étape ornithologique de choix : plus de 120 espèces d’oiseaux y ont été recensées depuis 1985 (source : LPO Normandie). La Fédération de pêche recense en outre une douzaine d’espèces de poissons régulièrement observées par les pêcheurs : perche, brochet, carpe, gardon...

Afin d’attirer un public plus familial et de sensibiliser aux enjeux environnementaux, le Syndicat de Bassin Versant de la Touques organise régulièrement (printemps et automne) des balades nature commentées. Des panneaux d’interprétation, disponibles en version française et anglaise, ont été posés sur le tour du lac, détaillant l’évolution des paysages, les espèces emblématiques (grèbe huppée, martin-pêcheur...) et les écosystèmes aquatiques spécifiques aux régions de bocage.

Un site qui « raconte » aussi l’histoire normande

L’aménagement du lac a nécessité le déplacement de plusieurs fermes traditionnelles. Des photographies d’époque, visibles au Musée de Pont-l’Évêque ou lors des Journées du patrimoine, rappellent la physionomie originelle du site. Le légendaire Pont-l’Évêque, prisé depuis le Moyen Âge pour son marché et sa situation stratégique, trouve dans ce lac contemporain un nouveau chapitre, où loisirs et mémoire se croisent.

Autre anecdote, régulièrement partagée lors des balades guidées : contrairement à une croyance locale, aucun village entier n’a été englouti – la constitution du lac a fait l’objet de discussions préalables, et des fouilles archéologiques ont été menées préalablement à la mise en eau, sans découverte majeure.

Lacs et tourisme en Normandie : l’essor d’une nouvelle destination familiale

Le développement du Lac de Pont l’Évêque s’inscrit dans un mouvement régional marqué par la montée en puissance des « destinations nature » et de la valorisation des plans d’eau intérieurs :

  • Le taux de fréquentation observé au lac est supérieur de 25 % à la moyenne des lacs normands non côtiers en période estivale (source : Comité Régional du Tourisme de Normandie, 2021).
  • Nombre de visiteurs accueillis sur les sept principaux plans d’eau intérieurs normands : environ 280 000 par an (hors plans d’eau liés à la façade maritime) ; la part du Lac de Pont-l’Évêque frôle les 15 % de cet ensemble.
  • Activités particulièrement plébiscitées : paddle et randonnée (hausse de 40 % des locations de paddle entre 2015 et 2023 ; boucle randonnée : entre 1 500 et 2 000 passages/mois en juillet-août, chiffres recueillis par l’Observatoire Régional).

Une telle dynamique a encouragé la mise en réseau des acteurs locaux (hébergeurs, prestataires nautiques, commerçants), réunis sous la bannière « Lac Terre d’Auge » depuis 2018. Objectif ? Faire du site un véritable trait d’union entre tourisme de plein air, excursion historique et découverte du terroir augeron.

Des enjeux durables et de nouveaux horizons

À mesure que le Lac s’installe comme cœur battant du tourisme augeron, l’attention portée à la durabilité s’impose :

  • Protection renforcée de certaines zones humides et mise en place de zones de quiétude ornithologique (depuis 2019).
  • Actions pédagogiques en lien avec les écoles et les centres de loisirs, incluant la préservation des berges et le ramassage des déchets.
  • Restauration de la frayère à brochets (projet 2021-2023, animé par la Fédération Départementale de Pêche et la Région).
  • Promotion de la mobilité douce pour le tour du lac : installation récente de bornes de réparation vélos, parkings à vélo et panneaux de signalétique verte.
  • Limitation volontaire du développement immobilier aux abords du plan d’eau, afin de préserver l’esprit « nature ». Les capacités d’accueil restent donc raisonnées, freinant le tourisme de masse.

Les récents projets mis en avant par la collectivité (création d’un observatoire ornithologique, renforcement du programme de loisirs « 4 saisons », accueil d’événements sportifs) participent de cette dynamique : celle d’un lac enraciné dans son territoire, mais en quête perpétuelle d’équilibre entre accueil et authenticité.

Le Lac, miroir d’une Normandie en mouvement

Depuis un demi-siècle, le Lac de Pont l’Évêque a su muer d’un projet technique à un paysage vivant, où se croise tout ce qui fait la richesse de la Normandie : une nature préservée, des histoires à raconter, l’accueil familial et le goût du partage. Il ne cesse d’inspirer ceux qui, venus d’ici ou d’ailleurs, souhaitent découvrir autrement le bocage augeron et ses promesses de loisirs inventifs.

Le Lac n’est pas un décor figé : il épouse les évolutions de la société, répond aux attentes de nouvelles générations de visiteurs tout en rappelant que chaque vague, chaque sentier, chaque plage, porte encore l’écho des journées d’hier. Une invitation à s’évader... et à revenir.

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